Interview avec Francesco Solinas

Maître de conférences au Collège de France, spécialiste de l'histoire du dessin documentaire et de l'illustration scientifique entre XVIème et XVIIème siècles, expert du développement de la peinture de genre (portrait, nature morte, peinture de fleur).

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Apprenons à mieux le connaître !

«  Le bijou est fondamental, car c’est le propre de l’Homme et la première forme d’art. »
Francesco Solinas

 

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Qui êtes-vous Francesco Solinas ?

Francesco Solinas

Je suis maître de conférences au Collège de France, attaché à la Chaire de Littérature française moderne et contemporaine, et membre de l’équipe de recherche Respublica-Literaria (République des savoirs) du CNRS. Je suis historien de l’art, spécialiste de l’histoire de la peinture et de la critique d’art, du dessin documentaire et de l'illustration scientifique des XVIème et XVIIème siècles. Au cours de ma carrière, j’ai publié de manière extensive sur différents sujets tels que l’évolution de la peinture de genre (portrait, nature morte, paysage), les rapports entre création artistique et érudition, politique et diplomatie, sur la naissance des genres artistiques et l’histoire des collections, sur le dessin documentaire et scientifique. Je dirige la collection Les lettres italiennes de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637). Ma dernière publication est une édition critique de la correspondance de l’artiste italienne Artemisia Gentileschi.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Francesco Solinas

Je suis né à Rome de parents qui travaillaient dans le monde de la mode et du cinéma. J’ai fait mes études d’histoire de l’art à l’université de Pise. Ma thèse de doctorat portait sur Cassiano del Pozzo, un érudit collectionneur qui a joué un rôle majeur en Europe au XVIIe siècle. Pendant plus de dix ans, j’ai travaillé à la Bibliothèque Vaticane et à la Bibliothèque royale de Windsor, puis en 1992 j’ai eu l’opportunité de rejoindre l’équipe de recherche réunie par Marc Fumaroli au Collège de France.

Pourquoi un séminaire de recherche sur L’Ornement ?

Francesco Solinas

Dans le langage commun, la notion d’ornement évoque une dimension superficielle, indépendante de la fonction, alors qu’elle est essentielle. D’un point de vue anthropologique, elle est même primordiale. Mon intérêt pour l'ornement a commencé par la dimension philosophique. L’origine de la série des séminaires sur L’Ornement est liée à ma rencontre avec Pierre Caye qui s’intéressait particulièrement à l’ornement. Pendant cinq ans, avec Pierre Caye, philosophe, historien de l’architecture et directeur de recherche au CNRS, nous avons proposé un séminaire de recherche international dédié à l’ornement en général et principalement dans l’histoire de l’art. Les actes ont été publiés dans Les Cahiers de l’Ornement.

Comment est née l’idée des Journées d’études sur L’Ornement précieux dont la première session se tiendra en janvier 2023 ?

Francesco Solinas

L’idée de poursuivre la série des séminaires sur L’Ornement est née de ma rencontre avec Marie-Laure Cassius-Duranton, qui est aujourd’hui enseignant-chercheur à L’École des Arts Joailliers. Nous avons une passion commune : les bijoux ! Je lui ai proposé de nous associer pour prolonger la série en nous concentrant plus spécifiquement sur l’ornement précieux et le bijou. Nous avons créé un partenariat entre le Collège de France, l’Ecole Normale Supérieure, le CNRS et L’Ecole des Arts Joailliers autour d’un projet d’envergure internationale que nous avons intitulé : L’Ornement précieux. Fonction et histoire du bijou de la Renaissance au XIXe siècle. Nous envisageons une série de sessions centrées sur le monde occidental qui vont s’enchaîner dans un ordre chronologique sur plusieurs années. Dans ce cadre interviendront des chercheurs du monde entier provenant aussi bien du monde des musées que des centres de recherche et des universités. Les actes seront publiés dans Les Cahiers de l’Ornement.

La première session aura lieu au Collège de France les 26 et 27 janvier prochain et portera sur les fonctions de l’ornement précieux dans les cours européennes à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance.

 

Quelle sera la spécificité des sujets abordés lors de ces prochaines journées ?

Francesco Solinas

L’horizon de la série précédente était plus ouvert et incluait de nombreuses formes d’art comme l'architecture, la sculpture, la peinture, la miniature, mais aussi les formes d’art éphémères, liées à la tradition théâtrale et festive, qui n’existent plus vraiment aujourd’hui, mais qui sont des témoignages précieux du faste et de la splendeur des fêtes de cour, notamment à la Renaissance et à l’âge baroque. Notre nouveau projet est beaucoup plus précis. Nous étudierons les spécificités de l'ornement précieux à travers les bijoux bien sûr, mais aussi l’orfèvrerie, notamment chrétienne avec les reliquaires et les objets liturgiques, l’art de l’émail, la glyptique, à travers les camées et les intailles, et les arts lapidaires. Toutes les formes d’art qui impliquent le travail du métal précieux et des gemmes. Nous allons nous concentrer sur l’Europe, notamment la France et l’Italie.

Nous parlerons des modes qui changent et de la transformation des bijoux. Contrairement à d’autres formes d’art, le destin des bijoux et des objets précieux est la destruction pour récupérer le métal et les gemmes qui sont généralement retaillées pour des raisons économiques et pour mieux correspondre à l’évolution du goût. Ils sont parfois conservés intacts, mais c’est rarissime. Souvent, dans le meilleur des cas, ils sont transformés. Mais faire l’histoire de ces objets reste possible grâce à d’autres sources documentaires comme la peinture, les inventaires ou les descriptions des ateliers.  Il y aura aussi une approche sociale et politique dans ces études. Les bijoux, l'ornement précieux, ont une valeur de représentation très importante, notamment dans les cours et pour L’Église aux XVᵉ, XVIᵉ et XVIIᵉ siècles. Ce sont non seulement les savoir-faire, mais aussi le bijou et l'ornement précieux dans la société qui nous intéressent.

Pouvez-vous nous parler du Collège de France 

Francesco Solinas

Le Collège de France est une institution extraordinaire créée en 1530 par le roi François Iᵉʳ pour donner à ses sujets l'opportunité d'apprendre, l'opportunité d'une ouverture sur les savoirs. « Docet Omnia » est la devise du Collège de France. C'est le début de l’esprit des Lumières qui a caractérisé la France pendant des siècles. C'est l'ouverture aux savoirs laïques par rapport à la Sorbonne qui était l'université du clergé. Le Collège de France est ouvert à tous et fait pour tout le monde. Les jeunes, les étudiants, les ouvriers, les professionnels, les doctorants, les amateurs, tout le monde est bienvenu. Nous proposons des cours et des séminaires de très haute qualité scientifique dans toutes les disciplines.

Pour notre séminaire sur L’Ornement précieux, le Collège de France est un lieu extraordinaire, extrêmement prestigieux, lié à la tradition et en même temps très ouvert, européen et international.