
Bourse de Master 2022 - Interview Lauréate Eva Portillo
Eva-Marie PORTILLO
Les bijoux d’artistes : étude historiographique
Université Bordeaux Montaigne, sous la direction du Professeur Pascal Bertrand

Quel a été votre parcours avant de vous lancer dans un master recherche ?
Dans le cadre de mes études supérieures, j’étais perdue. Au début, j’ai entrepris deux années en licence de droit, qui malgré la complexité m’a permis d’acquérir une rigueur. Cependant, en dépit de mes efforts, il m’a été difficile de continuer dans cette discipline. Par la suite, je me suis redirigée vers un double cursus en droit et histoire de l’art. Cette formation m’a été bénéfique, me permettant d’allier l’exigence du droit et celle de l’histoire de l’art. Néanmoins, durant cette année, mon envie de retourner à mes premiers amours devenait nécessaire. Ainsi je me suis engagée en licence d’histoire de l’art à Bordeaux Montaigne, cet univers familier me démontre encore aujourd’hui l’importance de ne pas avoir eu peur de réaliser mes souhaits. À ce moment-là, ce fut un vrai soulagement de trouver enfin des études qui me correspondait.
Comment avez-vous choisi ce sujet ?
Ce fut un concours de circonstances qui m’a guidé jusqu’à ce sujet. En milieu de L3, je savais que je voulais faire un master de recherche, au départ je réfléchissais d’aborder un thème sur le surréalisme. Cependant au cours des recherches sur le parcours des étudiants en master, je pus me rendre compte que certains étudiants de mon université avaient étudié les bijoux. Depuis déjà longtemps, ces objets me fascinent, chaque moment important de ma vie ayant son lot de bijoux. Du fantaisiste au plus précieux, ils me suivent déjà depuis un certain temps autant dans mes voyages que dans ma vie quotidienne. Néanmoins, je ne pensais pas à la possibilité de faire un mémoire de recherche sur l’histoire de l’art du bijou ou de la joaillerie. Ma formation étant classique dans ce domaine, nous n’avions jamais abordé cet aspect de l’art. Ainsi j’ai commencé à prendre contact avec des étudiants et à faire mes recherches dessus. Puis j’ai rencontré une ancienne doctorante du Professeur d’université Pascal Bertrand qui m’a conseillé de regarder les bijoux d’artistes puisqu’ils entouraient plusieurs de mes intérêts. Ce fut le coup de foudre, depuis, je n’ai pas pu me détacher de ce sujet. Il unifiait autant ma formation classique que mon intérêt pour les bijoux. En approfondissant mes recherches dessus, j’appréciais d’autant plus sa pluridisciplinarité et la méconnaissance de ce chapitre par un certain public.
Quel en est l’intérêt ?
Ce sujet a un intérêt particulier dans le sens où personnellement je pense qu’il a été négligé par l’histoire de l’art. Si nous observons, chacun des bijoux d’artistes porte un message intime de l’artiste autant par sa signature, que par l’histoire de sa création, que par l’idiome de l’artiste. Ces éléments enrichissent l’univers que l’artiste peut offrir, et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives. Des questions se posent sur l’intérêt, sur le processus de création, sur l’univers qu’ils ont pu créer en parallèle. Ce travail unique avec une réflexion nouvelle pour certains est l’œuvre d’artistes et parfois même de collaboration avec des artisans ou des joailliers. Cependant, cet aspect est souvent soit méconnu, soit non exploité. Cette négligence est malheureusement expliquée par sa position d’électron libre dans le monde de l’histoire de l’art classique, des arts décoratifs et de la joaillerie, le rendant en définitive illégitime d’une réelle place. Ainsi le travail de nombreuses personnes actuellement est de redonner les lettres de noblesse à cet univers.
Expliquez-nous votre goût pour le bijou, la joaillerie.
Comme dit précédemment, il y a dans les bijoux quelque chose qui me fascine. Déjà enfant, les professeurs m’appelaient « Madame Bijoux ». Ils m’accompagnent depuis longtemps avec chacun son lot d’histoire et d’intimité. Lorsque je me promène, il m’est impossible de passer devant une bijouterie ou un joaillier sans être happée. Je suis attirée par leurs beautés et le travail derrière chacune de ces pièces, engageant artistes et artisans dans un travail parfois unique et s’accompagnant dans la joaillerie de dessins et de recherche de pierres d’exceptions. Ce processus est assorti d’une réflexion sur le côté usuel du bijou, celui-ci gardant malgré tout des caractéristiques immuables, ou plutôt le charme que le corps en soit le premier support. Les bijoux ont toujours eu une place, autant dans les vitrines que dans les musées d’histoires naturelles, que ceux d’arts décoratifs, mais aussi dans les musées contemporains, ou dans notre quotidien. Dans le cas des bijoux d’artistes, j’apprécie ce côté intime et exigeant, mais aussi créatif. La pluralité de leurs processus de création et la rareté de ces derniers donnent un aspect précieux unique, sans que l’aspect « matériaux » prenne le dessus. Ce sont des caractéristiques qui me fascinent autant que l’écrin crée par un joaillier pour une pierre exceptionnelle. Ce mot « exceptionnel » est pour moi ce qui peut résumer au mieux le bijou et la joaillerie.
Comment allez-vous utiliser la bourse de master qui vient de vous être décernée?
Grâce à cette bourse, je pourrai me permettre de faire les déplacements et les rencontres espérés pour approfondir mon sujet. Me donnant l’occasion de traiter mes recherches sous plusieurs angles. En effet, l’univers des bijoux d’artistes s’étend à Paris comme hors des frontières. Ainsi elle me permettra d’aller à Londres et d’intensifier aussi les recherches sur Paris. Néanmoins, personnellement, le fait d’être reconnu par une telle institution est déjà une grande opportunité. Surtout dans le cadre de mon sujet qui paraissait assez loin de la joaillerie dite classique.
Connaissiez-vous L’École des Arts Joailliers avant de candidater à cette bourse ?
Oui, lors de mes recherches autour des étudiants de mon université sur le domaine de la joaillerie, j’ai remarqué que l’un d’entre eux a été lauréat de ce prix. Ainsi j’ai pu découvrir l’école qui m’a fait naître l’ambition de m’y présenter. Néanmoins, ce fut mon directeur de recherche, le Professeur Pascal Bertrand qui m’a encouragé à poser ma candidature et que je remercie pour son suivi. De plus, dans le milieu de l’histoire de la joaillerie, L'École des Arts Joailliers intègre les bijoux dans ses instituts à travers de cours, et apporte un cadre plus académique, vecteur de connaissances sur le sujet dans le monde de la joaillerie. Ces connaissances complètent en définitive les lacunes de ma formation d’historienne l’art académique.