L’extraordinaire collection de bagues d’Yves Gastou demeurait jusque-là confidentielle. C’est ce versant de sa personnalité de collectionneur, occulté par sa vie publique de marchand, que cette exposition nous donne à découvrir. Une collection constituée avec frénésie, acharnement et prise de risques, depuis plus de trente ans, au gré de son parcours habituel de chineur (brocantes, ventes publiques, fonds de stocks de joailliers, fonds d’ateliers) et de ses voyages. A elle seule histoire de l’art, antithèse des genre, manifestation de l’inconscient, elle nous entraîne dans le temps et l’espace. Erotico-mystique, le bijou, tel un talisman, s’incorpore à celui qui le porte pour lui donner force et confiance. Symbole sexuel ou religieux, l’anneau réifie l’union avec Dieu, celle officieuse des amants ou officielle des époux ; il s’interpénètre avec le corps, se dissout avec lui. Reflet des pérégrinations d’Yves Gastou, fragment d’une vie charnelle et intime (naissance d’enfants, témoignages d’amour), sa collection est le livre-fleuve d’une confession intime. Riche de mille bagues, elle brosse son portrait chinois, autant de moments de beauté, de rêves concrétisés, d’énigmes envoûtantes, de souvenirs matérialisés, de champs des possibles écumés. Cette accumulation vertigineuse traduit l’appétit boulimique d’Yves Gastou pour le beau, la vie, autrement dit une collection qui constitue son grand œuvre, inachevé comme les cathédrales gothiques.
Les pièces les plus emblématiques de la collection sont présentées à l’Ecole des Arts Joailliers. Le choix des bagues exposées se veut représentatif des sept thèmes de la collection : néoclassique, chevalerie, gothique, religieux, vanités, ethnique, curiosités. Sept sections qui reprennent celles du livre, Bagues d’homme (éditions Albin Michel), façonnées comme les chapitres d’un roman, d’un récit que le visiteur et le lecteur pourront découvrir au fil du parcours muséographique et des objets qui le mettent en abyme (statue de Jeanne d’Arc, d’anges, couronne, croix…). Chaque bague recèle une histoire qui la relie au collectionneur qui lui ressemble, à laquelle il s’est identifié, comme autant de petits morceaux de lui-même.