Focus : Qu’est-ce que l’or ?

Extraits de l’article du catalogue de l’exposition « L’Art de L’Or, 3 000 ans de trésors chinois »

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Connu, aimé, recherché, convoité, amassé, envié, disputé et utilisé par de nombreuses civilisations depuis que l’Homme a su dompter les métaux, l’or a toujours fait partie des matières les plus précieuses et les plus symboliques. Mais plus que sa couleur et son aspect brillant, puissante et presque irrésistible fascination, ce sont les propriétés uniques de l’or qui ont permis d’en faire le métal favori des Hommes pour parer leurs Dieux.

Auri sacra fames disait Virgile (l'Enéide, III, 57) : cette faim sacrée, intense, immodérée, pour le précieux métal qui a poussé l’homme à découvrir de nouveaux mondes, à conquérir la planète. Mais au-delà des symboles, mythes et légendes associés à l’or, connait-on vraiment ce métal jaune et brillant, de quels atomes est-il constitué ? Comment sa structure intime s’organise et lui transmet ses propriétés uniques ? Comment la nature le produit, le façonne et le met à disposition des Hommes ? Comment l’Homme l’exploite, le transforme, le maitrise et le prépare pour en faire des objets d’exception ?


L’or pour le Chimiste

Arthur Rimbaud

Illuminations - 1875

J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ;
Des guirlandes de fenêtre à fenêtre ;
Des chaines d’or d’étoile à étoile ;
Et je danse.

L’or est l’élément chimique qui porte le numéro atomique 79 dans la classification périodique des éléments (dans le tableau de Mendeleiev l’or porte le symbole « Au », du latin aurum). Cela veut dire que le noyau de l’atome d’or contient 79 protons. Comprendre la matière et ses propriétés c’est pour le chimiste connaitre la structure des atomes qui la compose. Ces 79 protons, 118 neutrons et 79 électrons qui sont les éléments constitutifs de l’atome d’or déterminent la façon dont ils s’organisent entre eux pour former la matière. Ils expliquent également la façon dont ils vont interagir avec les autres éléments simples (oxygène, mercure …) ou complexes (eau, acides …) et ainsi caractériser les propriétés de la matière.

Les propriétés les plus importantes qui ont fait de l’or un matériau de choix pour la réalisation de bijoux sont sa grande malléabilité et son exceptionnelle ductilité. La malléabilité est la capacité à être écrasé sans rupture (par laminage, battage … pour la réalisation de feuilles d’or extrêmement fines : 0,000 1 mm). En revanche la dureté, c’est-à-dire la résistance à la rayure est donc faible : 2,5 sur l’échelle de Mohs qui compte 10 échelons (de 1 : Talc à 10 : Diamant).

Quant à la ductilité il s’agit de la capacité à résister à la déformation plastique sans rompre (étirement par exemple). Si on pouvait le façonner, la ductilité de l’or pourrait permettre d’obtenir avec 1 gramme de matière un fil d’un diamètre d’un cent-millième de millimètre (0,000 01 mm) de plus de 2 000 mètres !

L’organisation atomique de la matière influence aussi la façon dont la lumière interagit avec elle. Pour l’or on parle d’un éclat métallique, c’est-à-dire qu’il réfléchit quasiment toute la lumière reçue (95% exactement). Cette propriété optique associée à ses propriétés mécaniques en ont fait un matériau de choix pour de nombreuses industries, dont l’industrie aérospatiale par exemple. 

L’or pour le Minéralogiste

 

Pline l’Ancien

Histoire Naturelle, 77 ap.JC

Chez nous on trouve l’or en paillettes dans les fleuves, comme le Tage en Hispanie, le Pô en Italie, l’Hèbre en Thrace, le Pactole en Asie, le Gange dans l’Inde, et il n’est pas d’or plus pur, affiné qu’il est par le courant même et par le frottement

Comme il appartient au système cubique, l’or peut se trouver dans la nature sous la forme de cristaux octaédriques, dodécaédriques, cubiques, ainsi que toutes les combinaisons et déclinaisons de ces formes (Figure 1).  Cependant ces faciès sont extrêmement rares car ils sont souvent déformés par les différents mouvements géologiques. On trouve plus couramment des formes de dendrites, de fils, ou de pépites.

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Figure 1 : Ce cristal d’or, extrêmement rare, montre des formes octaédriques typiques du système cubique dans lequel il cristallise. Collection Mineral Museum – MIM – Beyrouth, Liban

Comme pour beaucoup de matières minérales, on peut distinguer les gisements primaires si l’on trouve les cristaux directement à l’endroit où ils ont été formés ou directement transportés des profondeurs (Figure 2), et les gisements secondaires qui sont des lieux où ils ont été déplacés par l’érosion et qui se retrouvent souvent ainsi concentrés.

Figure 2 : Spécimens d’or brut tels qu’on les trouve dans les gisements primaires. Collection Mineral Museum – MIM – Beyrouth, Liban

Les gisements aurifères primaires sont souvent contenus dans des veines de quartz. L’or peut se développer en cristaux parfois pluri centimétriques. Cependant ces veines ne contiennent généralement qu'une concentration d'or très faible.

Dans le cas des gisements secondaires, l’or s'accumule avec d'autres minéraux lourds sous forme de fine poussière d'or ou de petits grains formant des pépites qui se déposent dans certaines parties des ruisseaux ou rivières : les placers. Cet or est parfois appelé « or des rivières » par opposition à « l’or des montagnes » des gisements primaires.

L’or pour le Joaillier

Friedrich Nietzsche

Ainsi parlait Zarathoustra, 1885

L’éclat de l’or conclut la paix entre la lune et le soleil

L’or utilisé en joaillerie est rarement pur car il est trop mou et ne résisterait pas correctement à un porté quotidien des bijoux. Il ne serait pas adapté non plus au sertissage des gemmes. C’est pourquoi le fondeur le mélange avec d’autres métaux pour obtenir des alliages d’or, appelés également « or » de manière peut-être confuse.

Afin de déterminer la pureté de l’alliage contenant de l’or on utilise la notion de « carat ». Ce carat ne doit pas être confondu avec le carat métrique qui est une unité de masse équivalente à 0,02 gramme. L’or pur est appelé « Or 24 carat » (100% d’or). Les alliages d’or sont calculés en pourcentage à partir de cette base. Un alliage contenant 91,6% d’or sera appelé « Or 22 carats », et ainsi l’or 18 carats (75%), 14 carats (58,5%), ou encore l’or 9 carats (37,5%) même si ce dernier alliage ne contient qu’une part faible d’or pur.

La raison pour laquelle la proportion d’or pur porte le chiffre de 24 carats provient du « sou d’or » ou « solidus » créée par l’empereur Constantin Ier vers 310 après JC en remplacement de « l’aurei » de César (le premier à frapper une monnaie en or). Le « solidus » pesait 4,5 g (soit 24 carats anciens) et a été l’étalon du système monétaire byzantin pendant plus de dix siècles en servant de monnaie d’échange tout autour de la Méditerranée. Il s’agissait d’une valeur financière de référence mais aussi d’un étalon à la fois pour la masse et pour la pureté de l’or, deux notions aujourd’hui définies par le même terme de « carat ».

En plus de rendre l’or et donc l’alliage plus dur et résistant, le fait de mélanger différents métaux va également modifier la couleur jaune originelle de l’or pur. L’alliage « or jaune » contient de l’argent et du cuivre, « l’or blanc » de l’argent et du zinc, « l’or rose » du cuivre surtout et un peu d’argent. Il existe aussi des ors rouges ou verts, plus rares, en fonction des apports en autres métaux. Les pourcentages de chaque métal pour chaque alliage sont plus ou moins standardisés, mais chaque Maison à ses propres normes et préférences. La diversité des alliages sur le marché permet de satisfaire chaque créateur et de s’adapter à chaque situation. L’or est un métal malléable, multiforme et même multicolore qui fascine toujours et encore plus les Hommes !

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Pour en savoir plus sur ce précieux métal et sur les savoir-faire utilisés par des orfèvres et artistes virtuoses depuis des millénaires pour le transformer en bijoux et objets précieux, découvrez notre série de vidéos sur l’or, réalisé avec Beaux-Arts Magazine

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Portrait Olivier Segura

Olivier Segura

Gemmologue, Directeur Scientifique de l’Ecole des Arts Joailliers. Il a été Directeur du Laboratoire Français de Gemmologie de 2011 à 2018, et a fondé une Ecole de gemmologie qui accueilli de nombreux étudiants chaque année. Il est un conférencier demandé sur les sujets des gemmes et de la gemmologie, et particulièrement sur les perles, son sujet de prédilection. Il occupe également plusieurs fonctions auprès d’organisations internationales comme la CIBJO, l’ISO, et il est président de l’Association Française de Gemmologie.