Interview avec Madame Macel

Interview avec Christine Macel, Directrice des musées, Directrice générale adjointe, Les Arts Décoratifs

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Apprenons à mieux la connaître !

Photo: Christine Macel, Directrice des musées, Directrice générale adjointe, Les Arts Décoratifs

1. Vous venez d'être nommée directrice des musées et directrice générale adjointe des Arts Décoratifs ; quelle est pour vous la place du bijou au sein de l'histoire des arts décoratifs?

Le bijou occupe une place centrale dans l'histoire des arts. Le désir d'orner le corps de formes et de matériaux précieux est né très tôt en tant qu'expression artistique. On trouve des parures et pendeloques dès le Paléolithique, faites de coquillages, ivoire ou corne.  Le bijou s'inscrit donc à la fois dans l'histoire des arts décoratifs et aussi dans celle de la construction des apparences et de l'histoire du corps, avec une forte dimension symbolique. Notre collection riche de près de 5000 pièces, avec 1200 pièces exposées du Moyen Âge jusqu'à nos jours, la plus vaste collection nationale en France, nous permet, au-delà de l'exposition permanente dans notre galerie des bijoux, de rendre compte d'une partie de cette histoire occidentale, avec de très grands noms de René Lalique à Line Vautrin en passant par Jean Després, ainsi que les grandes maisons de joaillerie. Le XIXème siècle et l'Art nouveau en constitue les points forts tandis que le bijou contemporain s'enrichit régulièrement de nouvelles acquisitions comme la dernière en date, d'Helen Britton.

2. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets et vos ambitions pour le musée et sa "galerie des Bijoux" ?

Je souhaite donner plus de visibilité à la "galerie des Bijoux", intégrer le bijou également dans le parcours des collections permanentes du côté du Pavillon Marsan, dans un dialogue avec l'ensemble des arts décoratifs. Ainsi je propose en avril notre nouveau "Parcours Mode Bijoux Design" dans nos étages modernes et contemporains, avec une centaine de pièces exposées, mettant en avant des créateurs de bijoux d'hier et d'aujourd'hui. L'arrivée au musée de Mathieu Rousset-Perrier, conservateur des bijoux, renforce cette dynamique.

3. Quelles expositions projetez-vous ? 

Nous allons ouvrir de nombreuses expositions en 2024 de différents formats : de grandes expositions comme "La Naissance des grands magasins" et "L'intime, de la chambre aux réseaux sociaux" qui témoignent d'une approche transversale des arts et des arts décoratifs, ainsi que des expositions de collections comme le "Parcours Mode Bijoux Design", et aussi une exposition dédiée à l'inventeur de la sculpture en pâte de verre et grand dessinateur du XIXème siècle, Henry Cros.

Une grande exposition permettra également de découvrir l'histoire et les oeuvres de la maison Christofle jusqu'à ses créations les plus contemporaines, comme celles de Karl Lagerfeld ou d'Andrée Putman. Enfin "Mon ours en peluche" racontera l'histoire de ce jouet devenu un tendre compagnon dès les années 1920.

4. Vous avez été Directrice de la Biennale de Venise en 2017, votre parcours au sein du Centre Pompidou et certaines expositions comme "Danser sa vie" révèlent votre singularité. Comment envisagez-vous ce tournant de votre carrière ?

J'ai toujours été sensible que cela soit avec "Danser sa vie", mettant en lumière l'histoire des rapports entre danse et arts visuels, ou à travers ma Biennale de Venise qui mettait en avant des artistes utilisant autant la vidéo, la peinture que le textile ou la céramique, à la diversité, à la porosité et aux contaminations des divers champs de l'art. Lors de ma dernière exposition au centre Pompidou, "Elles font l'abstraction", j'ai revisité l'histoire de l'abstraction à travers les contributions d'artistes femmes qui pour la plupart n'étaient pas présentes dans son récit canonique. J'y envisageais l'abstraction, non pas seulement réduite au tableau, mais comme un langage visuel qui pouvait s'étendre à de nombreux médiums. Des artistes comme Sonia Delaunay ou Sophie Taeuber-Arp pour ne citer que les plus connues, ont ainsi exploré des domaines comme le textile, le vêtement, la tapisserie, le mobilier voire le bijou. Nous avons pu réaliser avec L'École des Arts Joailliers un colloque qui a approfondi l'histoire de l'abstraction liée à celle du bijou. Je me situe donc dans la continuation de mon approche de l'art qui est fondée sur la transversalité des pratiques, venue des artistes eux-mêmes, sans hiérarchie de valeur, mais en distinguant seulement la nature des artefacts, leur circuit de réception et de commercialisation.

Photo : Salon des Boiseries, musée des Arts décoratifs, où avait lieu la Journée d’études de L’École des Arts Joailliers.